dimanche 20 février 2011

Mi Ma

Campagne contre le système est le slogan d’ordre qui nous rassemble tous lors de ces joutes où nous déciderons à nouveau de faire partie d’un pays. Le « Notre » n’est pas l’espace que nous partageons en communauté mais plus loin l’ensemble qui rend possible que nous soyons tel que nous sommes, je ne suis pas sans mon pays, mon pays c’est ma vérité a dit Lamartine. Nous l’avons fort remarqué récemment quand les jamaïcains ont considéré l’équipe nationale de football U-17 à l’égal d’une race inférieure, d’hommes impuissants disqualifiés à cause de leur point de naissance.

Face à cette réduction assez commune parmi nos pays voisins, nous accomplissons l’espace d’un instant la confirmation d’être haïtien, un bloc uni contre l’étranger. La sottise que nous répétons au second tour de la fragile confiance se situe dans cette continuité du « contre » alors que demain nécessite le bémol du « pour », aujourd’hui nous ne pouvons plus choisir universellement un président qui se dresse contre le système actuel sans qu’il organise sa pensée pour le pays et pour nos pères.

Au contraire, il est vrai que la population haïtienne cherche à ressembler à la jeunesse moderne, sujette à l’américanisation, au phénomène de stars et à la promotion individuelle du business. Mais avons-nous cherché jusqu’où ce reste de l’expansion idéal du libéralisme conclue son chemin. La majorité des jeunes haïtiens composant la plus grande partie des votants et de ceux qui espèrent ne rêvent pas d’obtenir une télévision, une voiture personnelle sur la même ligne que l’Europe et l’Amérique à l’aube des trente glorieuses, le jeune haïtien est au bord d’une éradication si poussée qu’il pense plutôt à être beau et vif à travers la propreté des rues sans fatras, sans bidonvilles, la non-faim.

A quitter une terre tombée en friche, il veut avoir des villes plus majestueuses que la capitale voisine, que le dominicain cesse de nous inférioriser. Les candidats actuels ne remplissent pas ce désir universel de ressembler à l’héroïsme passé. Ce qui n’est pas une surprise qu’après infinies années de dictatures propulsant dans l’Amérique latine le libre-échange, il a fallu supprimer le nationalisme, l’autarcie, la production locale.

Les vingt dernières années de régime de gauche ont été un échec. La redistribution des richesses n’est plus un thème de pensée pour le jeune haïtien. Pour reconstruire la conscience d’être, les nouveaux aspirants ont dans leur panier du coté de Mirlande Manigat la promesse de redevenir un sujet capable de négocier et dialoguer en tête à tête avec la communauté internationale sans en être un objet, le départ progressif de la Minustah.

Michel Martelly ne se place pas en héros national, il fructifie l’envie de modernité, d’urbanisme, ce qui ne correspond pas au jeune reculé aux tripes réclamant plus le travail que le progrès, c'est-à-dire ceux qui ont travaillé et acquis une si ample connaissance du terrain qu’il ou elle puisse le permettre de s’élancer dans la même voie. La réussite sociale est plus spirituelle que matérielle. Le rêve haïtien n’est pas la réussite individuelle mais la capacité à nourrir sa propre famille. Ceux qui partent aident massivement ceux qui restent, les transferts de la diaspora accrochée à leur dernier sentiment national pointent vers le sommet. « Ayiti cheri fòk mwen te kite ou pou mwen te ka konprann valè ou » dit une chanson rassembleuse d’Othello Bayard.

Le vote rationnel contre le vote émotionnel ? La stratégie de Michel Martelly aidé par la compagnie Ostos & Sola qui a participé à la campagne électorale de John McCain en 2008 est la médiatisation de sa personnalité de combat qui a pu abattre au premier tour le prétendu passé, créer un effet de mode rhinocéros dramatisé par Eugene Ionesco. Si convaincre la population se résume à un effet de mode, la démocratie actuelle est caduque, nécessite un recyclage acheminant peut-être vers un système proche de la cinquième république gaulliste, d’ailleurs les luttes internes dernières nous font douter de la perfection du régime parlementaire.

Jean Bertrand Aristide conserve une popularité surprenante grâce à la passion qu’il incarnait contre tout ce qui empêche au peuple de s’exprimer. En vue de cet objectif, il a d’abord conquis la passion religieuse qui est primordiale ici quand nous pensons aux résultats étonnant de Chavannes Jeunes en 2006, la sureté étatique incarnée par le vote secret contre tout changement la même année, ce que Sweet Mickey ne réussit pas. Son comportement anarchique sur scène lui fera peut-être pisser du sang.

Nous n’avons pas observé une volonté de meute anti-Manigat après l’anti-Célestin, cela est dû au fait qu’elle a su cultiver une image d’elle attachée au pays et politiquement savante depuis bientôt vingt-trois ans ; sa popularité se base sur la longue répétition nominale au sommet de la politique du couple Manigat qui incarne la sureté et la confiance. Pour pénétrer la conscience paysanne Martelly a un long chemin de campagne à effectuer en un mois disponible. Il n’a pas encore électoralement gagné un seul des départements. Je prédis la fatigue prochaine du mouvement qui l’a choisi s’il cesse de chanter.

Celui ou celle qui gagnera les élections sera le candidat qui démontre une certaine cohérence pas contre mais pour l’amour de chacun envers l’autre. Sociologiquement, les pays dans l’abime choisissent au-delà de l’effet de mode, un dirigeant pensant pour eux-mêmes, les proposant où se situer, poursuivant des idéaux les relevant au-delà des luttes de petits hommes, l’Allemagne avant Hitler. Obama pour vaincre a démontré à travers ses discours qu’il était plus conscient des défis quotidiens et de l’histoire américaine. Haïti est loin d’être un peuple d’ignorant, les chants populaires dominants récemment les carnavals ne sont pas la trivialité Ti Simone mais le défilé de Dessalines de Ram et les raps nationalistes de Barikad Crew désirant recommencer le toup pou yo footballistique.

Nous voulons manger. Cependant nous visons indirectement, d’abord la fierté haïtienne, réduire l’impuissance de nos leaders. Et Victor Hugo chanta, contre l’ivresse rose « s’il n’en reste qu’un, je serai celui là ! »

Fabian Charles

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