samedi 19 décembre 2009

L'impossibilité de déchiffrer L'Enigme(Analyse)

*Analyse exclusivement pour ceux qui ont dejà lu L'Enigme Du Retour

Les secousses d’un roman-soleil se font sentir dans toute la francophonie. Dany Laferriere, écrivain haïtien exilé nous a encore fait part d’une audace qui sort des racines en allant cloué de nombreux prix sur l’emblème du pays d’origine. Il a spécialement remporté le prix Médicis qui est avec le Renaudot et le Goncourt l’un des plus prestigieux de la francophonie. Il a pu aussi bénéficier du mégaphone de Bernard Pivot qui l’a couronné meilleur roman français de l’année 2009. Ce livre allume de nouveau l’espoir pour les jeunes écrivains haïtiens rêvant opiniâtrement de rapporter sur ce bout d’ile des gloires hautes et lointaines comme jadis. Mais aujourd’hui la compétition est encore plus féroce car depuis le temps des Jacques Roumain et des René Depestre, l’accrochage à la littérature des autres pays isolés de la francophonie s’en va crescendo. Nous allons finalement voir comment l’Enigme du retour a réussi à creuser un chemin capable d’arriver à des victoires stellaires.

L’énigme du retour est avant tout un livre sur la mort d’un père. Il débute avec l’appel téléphonique annonçant cette nouvelle que tout homme mature doit être prêt a recevoir. Comme dans la majorité de ses romans, Dany Laferriere ne fait qu’accoucher ses mémoires, nous faisons donc face à la force marquante d’une vie immanquablement réelle. Le livre est composé de ses préparatifs de départ, ses transits à Brooklyn par exemple et son retour de l’exil après trente-cinq ans. L’écrivain ajoute une tache original à son roman en le composant essentiellement de vers, car il a voulu faire de la poésie, ce qui est marqué par la comparaison tout au long du livre avec le cahier d’un retour au pays natal.

L’une des flèches qui complète le succès de ce livre est sans doute la quantité de générations prises pour cibles, Laferriere en peignant de façon intime l’exil de son père, son exil a lui et l’adolescence trouble de son neveu vise à laisser dans l’âme du lecteur une perception tragique du non-changement d’Haïti depuis des générations. L’écrivain est déçu après tout ce temps passé en exil de voir que rien n’a changé, qu’il est sujet de territoires déjà connus mais il n’en fait pas une dénonciation émotionnelle au contraire du cahier de Césaire qui donnerait peut-être au lecteur une sensation de trop-plein ou d’hyperbolisation non-nécessaire. Ce qui fait qu’il utilise une écriture en route inverse de celle de la plupart des scribes de son ile, elle est absente et lisse mais informe beaucoup plus de la douleur macabre du pays car elle fait place au constat plutôt qu’a l’émotion. Nous avons par exemple cette scène dans laquelle il observe à la longue vue une fillette qui se réveille la première pour aller chercher l’eau du Gouverneur De La Rosée à ramener dans un bidonville sec, la scène est écrite de façon à ne rien exprimer autre que l’analyse à profondeur scientifique, le narrateur dit qu’il ne veut pas penser mais simplement voir. Nous tenons en lisant l’énigme une camera entre nos mains, les images défilent sans notre consentement et nous laisse le choix de deviner ce qui s’y cache.

La prise des images est si exempt d’humanisme que dans cette prise technique des images, l’auteur ne prend pas le temps d’explorer les grands thèmes de la littérature, la mort dit-il a la page 94, arrive si rapidement qu’on n’a pas le temps de la voir venir, cette vitesse fait douter de son existence. L’auteur est comme dans toute entreprise romanesque un témoin et donne sa réception propre des événements sans le vouloir, ce livre étant la conséquence de la mort de son père donne une vision ineffable de celle-ci, on ne la voit pas. Ceci est souligné dans l’enterrement sans cadavre du père. Cette absence de la mort présuppose l’absence du réel en Haïti ou tout est entre visible et invisible comme le conteur. Il présente toutefois l’allégorie de la vie par une poule qui le suit depuis une photo de son enfance jusqu'à la mort du patriarche et qui semble être le seul élément vital, sentimental.

Le lézard vert qui le regarde sur la tombe de sa grand-mère symbolise à la fois cette mort et cette vie cohabitant constamment dans le temps. Le temps dit par l’auteur est une masse compacte différente et à la fois pareille pour les membres de différentes époques, les deux Windsor n’ont pas vu les événements de la même manière mais ont traversé le même catalyseur, subversivement le même avenir est possible pour l’autre Dany. Ce temps qui pour faire face a la douleur de l’exil est oublié par son père. Cependant ce livre ne donne pas la trame d’une analyse parce qu’il est parcouru d’énigmes autant que le retour de Césaire et réveille le lecteur à propos d’une condition non-dit. L’énigme est construite avec la même matière que la valise de la Chase Manhattan Bank, le code n’est pas à trouver pour ne pas porter le poids trop lourd de la vie, le contenu doit être imaginé et inconsciemment subjectif.

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